Pourquoi Dieu s’est fait homme ?

Au lendemain de cette magnifique fête de Noël, nous proposons à votre lecture un article paru dernièrement dans notre journal paroissial Ensemble qui avait pour thème « Noël ».

Chaque année l’Église nous donne de célébrer la fête de Noël. Cette fête est l’une des grandes fêtes de l’année liturgique chrétienne. Elle nous donne de contempler la venue en notre chair du Fils de Dieu. Nous savons que l’incarnation du Verbe de Dieu est un mystère immense. Devant ce grand mystère jaillit une question simple : « pourquoi Dieu s’est fait homme ? » Cette question est au cœur de toute la foi de l’Église depuis 2000 ans et je voudrais dans les lignes qui suivent donner quelques réponses à cette question.

Dieu se donne à connaître

Dans le prologue de son évangile, St Jean nous dit de manière très sobre : « et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). Quelques versets plus loin il dit : « Dieu nul ne l’a jamais vu, le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui nous l’a fait connaître » (Jn 1, 18). Dans son évangile, l’apôtre St Jean va nous donner d’entrer dans la contemplation de Jésus, le Fils de Dieu, qui vient révéler le Père et l’Esprit Saint.

Lorsque le Fils de Dieu se fait homme, l’homme découvre alors qui est Dieu. La contemplation (l’écoute amoureuse de sa parole et de son action) de Jésus permet d’entrer dans la vérité de Dieu. Dieu se fait homme pour que l’homme puisse connaître Dieu. Et comme le disait St Irénée de Lyon, au début de l’ère chrétienne, pour que l’homme puisse écouter Dieu il se fait son semblable. St Irénée aimait beaucoup, dans ses écrits, rappeler que Dieu pour s’adresser à l’homme se fait semblable à l’homme. C’est de lui, d’ailleurs, que vient la théologie de « l’évangélisation du semblable par le semblable ». Il écrit : « Oui, c’est le Verbe de Dieu, qui a habité en l’homme, et qui s’est fait fils de l’homme, pour habituer l’homme à recevoir Dieu, et habituer Dieu à habiter en l’homme comme cela paraissait bon au Père. »

Dieu qui est naturellement éloigné de l’homme, par sa divinité et son éternité, vient se faire l’un de nous pour que l’homme puisse Le voir. Le même St Irénée disait que la vision de Dieu était le couronnement des désirs de l’homme. Un des motifs donc de la venue de Dieu en notre chair est donc d’apporter aux hommes une connaissance qu’ils ne pouvaient pas avoir par eux-mêmes. L’homme peut par lui-même découvrir l’existence de Dieu à partir de ce qui existe, mais il ne peut pas découvrir qui est Dieu. L’essence de Dieu ne peut être connue que si Dieu lui-même nous le dit. Comme le disait St Augustin dans une phrase simple et percutante : « nul n’aurait pu savoir que Dieu était Trinité si lui-même ne l’avait révélé ».

Jésus : « Dieu sauve »

Un autre motif de l’Incarnation est très certainement le salut. L’homme marqué par le péché a vie une vie marquée par la finitude. Dieu ne peut laisser sa créature être enfermée dans le péché et la mort. Aussi il a préparé un peuple pour être le réceptacle de son Salut. Le peuple d’Israël avec les différentes alliances que Dieu avait faites était donc prêt à accueillir le Salut. Mais le Salut ne se manifeste pas de la manière que ce peuple avait prévue. Très humainement, le peuple d’Israël attendait un Dieu tout terrestre qui viendrait chasser ceux qui oppressaient le peuple. Jésus, dans la vérité de son être divin, vient se proposer aux hommes dans la simplicité et la pauvreté afin de démasquer l’hypocrisie des hommes et afin de se proposer à l’humanité pour qu’elle puisse être sauvée. L’homme qui croit que Jésus est Sauveur entre par la foi dans le salut que Jésus incarne.

Jésus sauve le monde non seulement parce qu’il est Dieu, mais aussi parce qu’il a pris notre humanité. C’est dans son humanité que le Fils de Dieu opère le salut. S. Cyrille d’Alexandrie, évêque égyptien du IV° siècle, a cette parole : « Si le Christ a vaincu en tant que Dieu, cela ne nous concerne en rien, mais s’il a vaincu en tant qu’homme, nous avons vaincu en lui. » Jésus nous a sauvé par sa puissance divine et son humanité. Dès lors l’homme est invité à être sauvé, non pas à côté de son humanité, mais bien jusque dans les profondeurs de son humanité. Le Salut que Jésus va opérer est pour l’homme un cadeau.

À Noël nous aimons nous offrir des cadeaux les uns aux autres pour manifester notre amour. Et bien, lorsque Dieu le Père donne son Fils, voilà le plus beau cadeau que Dieu peut faire aux hommes. Et lorsque nous acceptons ce cadeau, par la foi, notre vie en est transformée, car elle devient nouvelle et éternelle. C’est là « l’admirable échange » comme en parlaient les Pères de l’Église : « Dieu s’est fait homme pour que nous puissions devenir Dieu. » Cette formule habite toute la tradition chrétienne depuis les premiers Pères de l’Eglise jusqu’à aujourd’hui. St Irénée de Lyon le disait finement : « le Fils de Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Fils de Dieu. » Naturellement, par nous-mêmes, nous ne pouvons pas devenir Fils de Dieu. Dieu s’est fait homme pour nous donner de « participer à sa nature divine » comme le dit Saint-Pierre dans son épître (2 P 1, 4). Nous participons à la divinité de Dieu par et dans les sacrements reçus. Dieu nous élève jusqu’à sa condition divine.

La Création accomplie

Un troisième motif de la venue du Fils de Dieu en notre humanité est l’accomplissement de la Création. Lorsque Dieu crée le monde, au sommet de la création il place l’homme et la femme, le couple humain, créé « à son image et à sa ressemblance. » Ce couple humain est beau et cette beauté provient de Dieu. Comme l’homme et la femme ont péché il faut rénover cette création. La Bible nous révèle ce dramatique péché originel qui loin d’enfermer l’humanité dans le mal, indique pourquoi notre monde est marqué par le mal et pourquoi le cœur de l’homme est malade. Aussi, lorsque le Fils de Dieu se fait homme, il rénove toute l’humanité. Si Dieu a voulu être embryon, naître d’une femme, grandir entre un père et une mère, et vivre sa vie au milieu des hommes, c’est afin que l’humanité soit renouvelée et accomplie en Lui-même. Il est, comme le dit St Paul « le premier-né de toutes créatures ». Jésus est le « prototype » dont chaque homme est invité à incarner le « type ». Jésus est ainsi « l’homme nouveau » qui donne tout son sens à la création et en rappelle la beauté. Ainsi la création est accomplie en Lui, car à partir d’une femme, « à la plénitude des temps » (Cf. Ga 5), Dieu se fait ce que nous sommes et en se faisant homme il redonne à la nature humaine sa place centrale dans la création et lui rend son ouverture à l’amour de Dieu.

Dieu qui aime

Devant le mystère de Noël nous ne pouvons qu’être émerveillés. Notre cœur doit se laisser toucher par la grandeur de Dieu qui accepte de se faire tout petit. La liturgie l’exprime ainsi : « celui que ni le ciel ni la terre ne peut contenir » a accepté d’être contenu dans le sein d’une femme, contenu dans les langes de la crèche, contenu sur le bois de la croix… Il y a là un immense mystère qui nous dépasse et nous trouble. Lorsque Jésus se présente aux membres de son peuple, il est rapidement reconnu comme un être étonnant. Cet étonnement qui frôle le scandale vient particulièrement du fait « qu’il n’enseigne pas comme les scribes et les pharisiens », il ne se fie pas à d’autres autorités que la sienne, il parle de son propre fond. Mais plus étonnant encore est sa capacité à aimer. En fait, parce que l’homme a besoin de voir l’amour, l’Amour s’est fait chair ! Pour que les hommes puissent entrevoir ce que c’est qu’aimer le Fils le montre. Jésus, dans son incarnation, nous révèle qu’aimer c’est donner sa vie. Ainsi, les hommes ont un nouveau mode de vie. Ils vont découvrir, en Jésus-Christ, que la grandeur de l’homme est de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Jésus le dit d’une phrase extraordinaire : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). C’est la dimension « morale » de la vie de Jésus. Jésus instaure de nouvelles mœurs en l’humanité. Il ouvre la voie de l’amour et invite les hommes à l’emprunter afin de déployer leur humanité dans ses capacités les meilleures.

Conclusion

Avec la révélation de la nature de Dieu, avec le salut de l’humanité, avec l’accomplissement de la nature humaine, Jésus vient apporter aux hommes une nouvelle manière de vivre. Certes, cette nouvelle manière de vivre est difficile à accueillir, car nous sommes tous marqués par l’égoïsme, par les difficultés de notre vie. Mais en acceptant d’être disciples de Jésus-Christ, en acceptant d’être le disciple de ce Dieu qui se fait tout petit, l’homme est invité à grandir d’une taille inimaginable, il prend alors les dimensions de l’amour de Dieu.

P. Bruno Bouvier