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Vendredi 2 juillet

Parole de Dieu : Matthieu 9,9-13

Commentaire :

« Matthieu est un publicain méprisé par les pharisiens, par les bons juifs de son époque. Et voilà que le Seigneur l’appelle et bouleverse sa vie. Et immédiatement, il répond et il convoque ses amis. Et voilà que Jésus s’assied à la table des pécheurs.

Le Seigneur dépasse toujours tout ce que nous pouvons imaginer de lui. Il nous appelle toujours au-delà. Il nous appelle toujours à l’élargir l’espace de notre tente. Les pécheurs considérés comme impurs étaient rejetés et voilà que le seigneur devient leur compagnon ». (extrait d’une homélie du Père Gui Lauraire, frère Carme)

Aujourd’hui encore, le pape François nous invite à rompre nos « schémas ennuyeux », à aller aux périphéries humaines, vers les plus « pauvres », vers les « rejetés », à découvrir le Christ en eux, à se laisser évangélisés par eux, à découvrir que le Christ a pris place à leur table, en leur vie. Nos églises sont comme des « hôpitaux de campagne ». Et nous-mêmes dans notre propre démarche spirituelle sachons reconnaître et accueillir nos fragilités comme un chemin de croissance humaine et spirituelle (exhortation Amoris Laetitia sur la famille).Chaque fois que nous revenons à la source, à cet appel premier « suis-moi », nous nous reconnaissons pécheurs pardonnés, pèlerins de la miséricorde, invités pour vivre non pour nous-mêmes mais pour Dieu et pour nos frères et surtout à ne pas regarder en arrière et toujours allez de l’avant pour accueillir la grâce de l’Esprit saint.  P.FB

Adieu Xavier Lacroix :

Le théologien de la famille Xavier Lacroix est retourné à Dieu ce mardi 29 juin à l’âge de 74 ans. Inspirateur d’une éthique du mariage et de la famille ancrée dans une mystique, il voyait dans le corps une ouverture à l’autre. Notre chroniqueur Henri Quantin lui rend hommage.
Le mardi 29 juin restera comme un jour de double deuil pour « l’éthique » : jour de l’adoption par l’Assemblée nationale de lois qui font du mot un alibi de plus en plus grossier pour une science sans conscience ; jour de la mort de Xavier Lacroix, philosophe et théologien moraliste, qui, lui, ne brandissait jamais cette même éthique pour se débarrasser de la morale. D’autres, qui l’ont mieux connu que nous, évoqueront le professeur, au lycée des Maristes de Lyon, puis à l’Institut des sciences de la famille à la Catho de Lyon. Nous nous contenterons de conseiller la lecture ou la relecture de ses livres. Les plus importants sont sans doute Le Corps de chair(Cerf), sa belle thèse parue en 1992, et Les Mirages de l’amour (Bayard),publié trois ans plus tard, lecture moins exigeante pour le non-philosophe et également très nourrissante.
Une éthique ancrée dans une mystique :Nourrissante est le mot qui convient, pour ces œuvres qui entendaient placer l’Eucharistie comme source et horizon de toute vie corporelle vécue pleinement. L’éthique de Xavier Lacroix, qu’il sut rendre audible au-delà des seuls catholiques, comme en témoigne par exemple sa tribune dans le Mondecontre le « Mariage pour tous », était toutefois ancrée dans une mystique. Pour celui qui entre dans « le mystère du corps livré », notait-il, le critère moral ultime n’est ni l’équilibre, ni l’épanouissement personnel. La morale chrétienne « se définit par rapport à l’appel à la plus haute vie, qui est de devenir pour l’autre pain et nourriture ». Difficile d’associer plus clairement le Corps du Christ et le corps des hommes.

 Lucide, Xavier Lacroix percevait les dangers d’un « court-circuit entre mystique et morale, qui ferait fi des médiations », mais il refusait tout autant une complète dissociation. Le ruisseau arrive parfois très loin de sa source, mais il ne peut continuer à couler sans elle : « L’éthique chrétienne tient son originalité de la Révélation du don total comme source de vie. » Conscient qu’une théologie du corps mal comprise pourrait mener à une idolâtrie du plaisir, il trouvait encore dans l’Eucharistie l’antidote à la religion de l’orgasme et voyait dans le mariage un précieux rempart contre le sexe pour le sexe : 

« En cohérence et en continuité avec l’eucharistie, le sacrement du mariage vient à la fois couronner le sens des relations charnelles et les relativiser. Les gestes et actes de l’alliance y sont perçus comme sacrements de l’Alliance mais, dans le même temps, y est affirmé et attesté que nos unions humaines ont besoin d’être sauvées de la ruine par l’union à Celui en qui elles trouvent clarté, vigueur, solidité et plénitude du goût. »

« Appelés à devenir corps » : C’est pourquoi il fit aussi l’éloge raisonné de la virginité et de la continence avant le mariage, dans une fidélité réfléchie à l’enseignement de l’Église, guère en vogue même dans les facultés catholiques. Dans la dernière partie du Corps de chair,il justifiait la continence, « une des formes de la chasteté », par la triple intégration du temps (attente, gradation, sentiment durable), de la loi et de la part de solitude de toute existence (contre le rêve adolescent de fusion immédiate). Observateur des errements du monde, il constatait déjà la manière dont un milieu parisien « mi-libéral, mi-libertaire (ces deux options se ressemblent beaucoup en matière d’éthique personnelle) » tentait de rendre normatifs des modèles minoritaires. Dans ce contexte, il remarquait le déplacement des tabous, « chasteté » ayant remplacé « éjaculation » en tête des mots imprononçables.

De cette œuvre dense et profonde, aussi loin des sucreries angéliques que du naturalisme gaulois et cynique, nous retiendrons plus que tout cette formule : 

« Nous sommes chairs, mais nous sommes appelés à devenir corps. » La chair est pesanteur triste, le corps est ouverture à l’autre. Citant Denis Vasse, Xavier Lacroix rappelait qu’« aspirer à avoir un corps revient à vivre dans l’espoir d’une rencontre »

En somme, ce qui se joue toujours, tout autant dans le désir sexuel que dans la faim eucharistique, c’est l’aspiration à transfigurer la chair en corps. Idée fort claudélienne, qui fait joliment écrire à Xavier Lacroix : « Je suis plus ou moins corps, selon que je fais plus ou moins l’expérience de la rencontre — avec l’aimée, avec le Christ, avec la communauté. » Autrement dit, il n’y a de rencontre qu’entre des corps livrés. Corps offerts dans la rencontre sexuelle, cette « petite mort » ; corps rompus dans l’agonie qui mène à la mort, cette plénitude de la rencontre de l’Autre.

Le don de la joie : On comprend que Xavier Lacroix ait associé plus volontiers l’amour à la joie qu’au bonheur. La joie, « plus intérieure, plus dynamique et, surtout, plus compatible avec la souffrance » ne peut jamais être visée pour elle-même. Elle se reçoit « comme un cadeau, par surcroît, dans la certitude que le chemin suivi est le bon ». La joie révèle une chair en passe de devenir corps. Elle fait pressentir le corps glorieux, dans la plénitude de l’union des époux comme dans l’union au Christ du stigmatisé. En ce sens, la lecture de Xavier Lacroix pousse à transformer le deuil en joie. Loin de toute prétention universitaire à marteler des paroles définitives, il laissa le dernier mot de sa thèse au Christ :

« Qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera » (Lc, 9, 24).

MÉDITATION DU JOUR

Un Dieu venu pour les pécheurs

« Bienheureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7). De la miséricorde, on dit qu’en Dieu elle surpasse toutes ses œuvres ; et c’est pourquoi un homme miséricordieux est un homme véritablement divin, car la miséricorde naît de la charité et de la bonté. Et c’est pour cette raison que les vrais amis de Dieu sont en vérité très miséricordieux et sont plus accueillants aux pécheurs et à ceux qui souffrent que d’autres qui n’ont pas la charité. Et comme la miséricorde est née de la charité que nous devons avoir les uns envers les autres, d’homme à homme, si nous ne l’exerçons pas, notre Seigneur nous en demandera un compte particulier au jour du jugement dernier, et à ceux en qui il ne trouvera pas cette vertu nécessaire, il refusera son éternelle miséricorde, ainsi qu’il l’a dit lui-même, et il ne fera état d’aucune perfection, se bornant à les blâmer de ne pas avoir été miséricordieux. Cette miséricorde ne consiste pas seulement en dons, mais elle s’exerce aussi à l’égard de toutes les souffrances qui fondent ou peuvent fondre sur ton prochain. Celui qui voit cela sans témoigner à ses frères une véritable charité et une réelle sympathie dans toutes ses souffrances, et qui ne ferme pas l’œil sur leurs fautes, dans un sentiment de miséricorde, cet homme-là a sujet de craindre que Dieu ne lui refuse sa miséricorde, car à la mesure dont tu auras mesuré, à la même mesure on te mesurera à ton tour (Mt 7, 2). Aussi, que chacun se garde de juger ou de condamner son prochain s’il veut échapper à la damnation éternelle.

Jean Tauler, o.p.

Disciple strasbourgeois de Maître Eckhart, Jean Tauler († 1361) fut un théologien, un mystique et un prédicateur influent. Surnommé le « docteur illuminé », il appartient au courant des mystiques rhénans. / Sermons, t. III , Paris, Desclée, 1935, p. 177 sq.