Dans l’octave de Pâques, nous sommes invités par la liturgie à revenir au tombeau vide du jour de la Résurrection. La constatation du vide introduit à la foi. On pourrait dire que le tombeau vide emplit la foi de l’Église. Ste Marie-Madeleine, les saints Apôtres Pierre et Jean, constatent que le corps de Jésus n’y est plus et que « les linges sont posés à plat » (Jn 20, 5). Si le corps avait été enlevé, les ravisseurs du corps l’auraient emporté dans le linceul.Et donc en voyant tout en plan, St Jean, le disciple bien-aimé, croit en la Résurrection de Jésus. Il découvre l’accomplissement des Écritures qui annonçaient que Dieu ne pouvait pas laisser son Envoyé subir la corruption du tombeau (cf. Ps 15). Le Messie qui prendra sur lui la mort retrouvera la vie (cf. Ps 21). St Jean écrit donc : « Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » (Jn 20, 9)
Le tombeau ouvert et vide va creuser le désir de retrouver le corps du Bien-Aimé. Ste Marie-Madeleine demeure et cherche aux abords du tombeau Celui qu’elle a aimé d’un amour de conversion. Et cette recherche va lui donner de le voir, de le retrouver, de rencontrer le Ressuscité. Cela lui demande une véritable conversion pour entrer dans la nouveauté de la Résurrection. Deux fois St Jean note ce retournement. Une première fois : « elle se retourna » pour voir celui qu’elle prend pour le jardinier (Jn 20, 14) et une deuxième fois : « se retournant » quand Jésus l’appelle par son prénom « Marie » (Jn 20, 16). Comme pour les Apôtres, la résurrection du Christ la surprend et l’oblige à entrer dans une nouveauté inouïe, inimaginable. Cette surprise de toute l’Église au jour de Pâques rend compte de l’incroyable qui appelle la foi. La Résurrection forme la foi de l’Église. Ce n’est pas l’Église qui fait la résurrection, c’est la Résurrection qui donne vie à l’Église.
Marie de Magdala représente l’Église, venue de l’humanité marquée par le péché, et qui en vivant avec Jésus grandit dans une nouvelle humanité jusqu’à rencontrer Celui qu’elle aime même confusément. Elle ouvre la voie à toute personne qui désire l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.
St Grégoire le Grand en parlant de Marie Madeleine dit : « À ce sujet, il faut mesurer avec quelle force l’amour avait embrasé l’âme de cette femme qui ne s’éloignait pas du tombeau du Seigneur, même lorsque les disciples l’avaient quitté. Elle recherchait celui qu’elle ne trouvait pas, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée par le feu de son amour, elle brûlait du désir de celui qu’elle croyait enlevé. C’est pour cela qu’elle a été la seule à le voir, elle qui était restée pour le chercher, car l’efficacité d’une œuvre bonne tient à la persévérance, et la Vérité dit cette parole : Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé.
Elle a donc commencé par chercher, et elle n’a rien trouvé ; elle a persévéré dans sa recherche, et c’est pourquoi elle devait trouver ; ce qui s’est produit, c’est que ses désirs ont grandi à cause de son attente, et en grandissant ils ont pu saisir ce qu’ils avaient trouvé. Car l’attente fait grandir les saints désirs. Si l’attente les fait tomber, ce n’était pas de vrais désirs. C’est d’un tel amour qu’ont brûlé tous ceux qui ont pu atteindre la vérité. Aussi David dit-il : Mon âme a soif du Dieu vivant : quand pourrai-je parvenir devant la face de Dieu ? Aussi l’Église dit-elle encore dans le Cantique des cantiques : Je suis blessée d’amour. Et plus loin : Mon âme a défailli. » (Homélie sur l’Evangile, 25, à l’office des lectures du 22 juillet)
Donc une alternative nous est présentée : soit le tombeau est plein et notre foi est vide, soit il est vide et notre foi est pleine ! Un peu simplet d’écrire cela, mais je veux juste reprendre cette affirmation forte de St Paul aux Corinthiens (une phrase à laquelle on ne fait pas assez attention) : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi. » (1 Co 15, 14).
P. Bruno Bouvier