« Sang et eau jaillirent du cœur transpercé de Jésus. Tout au long des siècles, l’Église, suivant la parole de Zacharie [cf. Za 12, 10], a tourné son regard vers ce cœur transpercé et a reconnu en lui la source de bénédiction indiquée à l’avance dans le sang et l’eau. La parole de Zacharie nous pousse même à chercher une compréhension plus profonde de ce qui est arrivé ici.
Nous trouvons un premier degré dans ce processus de compréhension dans la Première lettre de St Jean qui reprend avec vigueur le discours sur le sang et l’eau sortis du côté de Jésus : « c’est lui qui est venu par eau et par sang : Jésus Christ, non avec l’eau seulement, mais avec l’eau et avec le sang. Et c’est l’Esprit Saint qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la vérité. Il y en a ainsi trois à témoigner : l’Esprit Saint, l’eau, le sang, et ces trois tendent au même but. » (5, 6s)
Qu’est-ce que veut dire l’auteur par cette affirmation insistante selon laquelle Jésus est venu non seulement par l’eau mais aussi par le sang ? On peut sans doute supposer qu’il fait allusion à un courant de pensée qui n’attribuait une valeur qu’au baptême et mettait de côté la Croix. Et peut-être cela signifie-t-il également que l’on ne considérait comme importante que la parole, la doctrine, le message et non pas la « chair », le corps vivant du Christ, exsangue sur la Croix ; cela veut dire que l’on s’efforçait de créer un christianisme de la pensée et des idées, d’où l’on voulait supprimer la réalité de la chair : le sacrifice et le Sacrement.
Les Pères ont vu dans ce double flux de sang et d’eau une image des deux sacrements fondamentaux – l’Eucharistie et le Baptême – qui jaillissent du côté transpercé du Seigneur, de son cœur. Ce double flux est le courant nouveau qui créé l’Église et renouvelle les hommes. Mais les Pères, devant ce côté ouvert du Seigneur dormant sur la croix du sommeil de la mort, ont aussi pensé à la création d’Eve à partir du côté d’Adam endormi, voyant ainsi dans le courant des sacrements en même temps l’origine de l’Église : ils ont vu la création de la nouvelle femme à partir du côté du nouvel Adam. »
J. Ratzinger – Benoît XVI, Jésus de Nazareth, De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Ed. du Rocher, 2011, p. 256-258.
« Veux-tu connaître encore pas un autre biais la vertu de ce sang ? Vois d’où il a commencé à couler et d’où il a pris sa source : il descend de la croix, du côté du Seigneur. Comme Jésus déjà mort, dit l’évangéliste, était encore sur la croix, le soldat s’approcha, lui ouvrit le côté d’un coup de sa lance et il en jaillit de l’eau et du sang. Cette eau était le symbole du baptême, et le sang celui des mystères. C’est donc le soldat qui lui ouvrit le côté ; il a percé la muraille du temple saint ; et moi, j’ai trouvé ce trésor et j’en ai fait ma richesse. Ainsi en a-t-il été de l’Agneau : les Juifs égorgeaient la victime, et moi j’ai recueilli le salut, fruit de ce sacrifice.
Et il jaillit de son côté de l’onde de l’eau et du sang. Ne passe pas avec indifférence, mon bien-aimé, auprès du mystère. Car j’ai encore une autre interprétation mystique à te donner. J’ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des mystères. Or, l’Eglise est née de ces deux sacrements : par ce bain de la renaissance et de la rénovation dans l’Esprit, par le baptême donc, et par les mystères. Or les signes du baptême et des mystères sont issus du côté. Par conséquent le Christ a formé l’Eglise à partir de son côté, comme il a formé Ève à partir du côté d’Adam.
Aussi saint Paul dit-il : nous sommes de sa chair et de ses os, désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d’Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l’eau de son côté pour former l’Eglise. Et de même qu’alors il a pris de la chair du côté d’Adam, pendant l’extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l’eau après sa mort.
Vous avez vu comment le Christ s’est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C’est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrit de son propre sang et de son lait celui qu’elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu’il a engendrés. »
S. Jean Chrysostome, Catéchèse baptismale, 3 ,13-19 (SCh 50, p. 174-177).