Pour notre rentrée, relire « La joie de l’Évangile »

Le Pape François, en 2013, dans son exhortation apostolique La joie de l’Évangile appellait toute l’Église a retrouver le chemin de la mission, à se mettre « en état de sortie » pour annoncer l’Évangile aux hommes de notre temps. Pour notre paroisse, en cette rentrée de septembre, c’est l’occasion de relire quelques paragraphes de ce texte papal pour entrer dans la vérité de notre vie paroissiale.

Voilà donc les paragraphes 25 à 33, bonne lecture !

II. Pastorale en conversion

25. Je n’ignore pas qu’aujourd’hui les documents ne provoquent pas le même intérêt qu’à d’autres époques, et qu’ils sont vite oubliés. Cependant, je souligne que ce que je veux exprimer ici a une signification programmatique et des conséquences importantes. J’espère que toutes les communautés feront en sorte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour avancer sur le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont. Ce n’est pas d’une « simple administration »[21] dont nous avons besoin. Constituons-nous dans toutes les régions de la terre en un « état permanent de mission ».[22]

26. Paul VI a invité à élargir l’appel au renouveau, pour exprimer avec force qu’il ne s’adressait pas seulement aux individus, mais à l’Église entière. Rappelons-nous ce texte mémorable qui n’a pas perdu sa force interpellante : « L’heure sonne pour l’Église d’approfondir la conscience qu’elle a d’elle-même, de méditer sur le mystère qui est le sien […] De cette conscience éclairée et agissante dérive un désir spontané de confronter à l’image idéale de l’Église, telle que le Christ la vit, la voulut et l’aima, comme son Épouse sainte et immaculée (cf. Ep 5,27), le visage réel que l’Église présente aujourd’hui. […] De là naît un désir généreux et comme impatient de renouvellement, c’est-à-dire de correction des défauts que cette conscience en s’examinant à la lumière du modèle que le Christ nous en a laissé, dénonce et rejette ».[23]

Le Concile Vatican II a présenté la conversion ecclésiale comme l’ouverture à une réforme permanente de soi par fidélité à Jésus-Christ : « Toute rénovation de l’Église consiste essentiellement dans une fidélité plus grande à sa vocation […] L’Église au cours de son pèlerinage, est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a perpétuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre ».[24]

Il y a des structures ecclésiales qui peuvent arriver à favoriser un dynamisme évangélisateur ; également, les bonnes structures sont utiles quand une vie les anime, les soutient et les guide. Sans une vie nouvelle et un authentique esprit évangélique, sans “fidélité de l’Église à sa propre vocation”, toute nouvelle structure se corrompt en peu de temps.

Un renouveau ecclésial qu’on ne peut différer

27. J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation. La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se comprendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutes plus missionnaires, que la pastorale ordinaire en toutes ses instances soit plus expansive et ouverte, qu’elle mette les agents pastoraux en constante attitude de “sortie” et favorise ainsi la réponse positive de tous ceux auxquels Jésus offre son amitié. Comme le disait Jean-Paul II aux évêques de l’Océanie, « tout renouvellement dans l’Église doit avoir pour but la mission, afin de ne pas tomber dans le risque d’une Église centrée sur elle-même ».[25]

28. La paroisse n’est pas une structure caduque ; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur et de la communauté. Même si, certainement, elle n’est pas l’unique institution évangélisatrice, si elle est capable de se réformer et de s’adapter constamment, elle continuera à être « l’Église elle-même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles ».[26] Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. La paroisse est présence ecclésiale sur le territoire, lieu de l’écoute de la Parole, de la croissance de la vie chrétienne, du dialogue, de l’annonce, de la charité généreuse, de l’adoration et de la célébration.[27] À travers toutes ses activités, la paroisse encourage et forme ses membres pour qu’ils soient des agents de l’évangélisation.[28] Elle est communauté de communautés, sanctuaire où les assoiffés viennent boire pour continuer à marcher, et centre d’un constant envoi missionnaire. Mais nous devons reconnaître que l’appel à la révision et au renouveau des paroisses n’a pas encore donné de fruits suffisants pour qu’elles soient encore plus proches des gens, qu’elles soient des lieux de communion vivante et de participation, et qu’elles s’orientent complètement vers la mission.

29. Les autres institutions ecclésiales, communautés de base et petites communautés, mouvements et autres formes d’associations, sont une richesse de l’Église que l’Esprit suscite pour évangéliser tous les milieux et secteurs. Souvent elles apportent une nouvelle ferveur évangélisatrice et une capacité de dialogue avec le monde qui rénovent l’Église. Mais il est très salutaire qu’elles ne perdent pas le contact avec cette réalité si riche de la paroisse du lieu, et qu’elles s’intègrent volontiers dans la pastorale organique de l’Église particulière.[29] Cette intégration évitera qu’elles demeurent seulement avec une partie de l’Évangile et de l’Église, ou qu’elles se transforment en nomades sans racines.

30. Chaque Église particulière, portion de l’Église Catholique sous la conduite de son Évêque, est elle aussi appelée à la conversion missionnaire. Elle est le sujet premier de l’évangélisation,[30] en tant qu’elle est la manifestation concrète de l’unique Église en un lieu du monde, et qu’en elle « est vraiment présente et agissante l’Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique ».[31] Elle est l’Église incarnée en un espace déterminé, dotée de tous les moyens de salut donnés par le Christ, mais avec un visage local. Sa joie de communiquer Jésus Christ s’exprime tant dans sa préoccupation de l’annoncer en d’autres lieux qui en ont plus besoin, qu’en une constante sortie vers les périphéries de son propre territoire ou vers de nouveaux milieux sociaux-culturels.[32] Elle s’emploie à être toujours là où manquent le plus la lumière et la vie du Ressuscité.[33] Pour que cette impulsion missionnaire soit toujours plus intense, généreuse et féconde, j’exhorte aussi chaque Église particulière à entrer dans un processus résolu de discernement, de purification et de réforme.

31. L’évêque doit toujours favoriser la communion missionnaire dans son Église diocésaine en poursuivant l’idéal des premières communautés chrétiennes, dans lesquelles les croyants avaient un seul cœur et une seule âme (cf. Ac 4, 32). Par conséquent, parfois il se mettra devant pour indiquer la route et soutenir l’espérance du peuple, d’autres fois il sera simplement au milieu de tous dans une proximité simple et miséricordieuse, et en certaines circonstances il devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et – surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de nouveaux chemins. Dans sa mission de favoriser une communion dynamique, ouverte et missionnaire, il devra stimuler et rechercher la maturation des organismes de participation proposés par le Code de droit Canonique[34] et d’autres formes de dialogue pastoral, avec le désir d’écouter tout le monde, et non pas seulement quelques-uns, toujours prompts à lui faire des compliments. Mais l’objectif de ces processus participatifs ne sera pas principalement l’organisation ecclésiale, mais le rêve missionnaire d’arriver à tous.

32. Du moment que je suis appelé à vivre ce que je demande aux autres, je dois aussi penser à une conversion de la papauté. Il me revient, comme Évêque de Rome, de rester ouvert aux suggestions orientées vers un exercice de mon ministère qui le rende plus fidèle à la signification que Jésus-Christ entend lui donner, et aux nécessités actuelles de l’évangélisation. Le Pape Jean-Paul II demanda d’être aidé pour trouver une « forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission ».[35] Nous avons peu avancé en ce sens. La papauté aussi, et les structures centrales de l’Église universelle, ont besoin d’écouter l’appel à une conversion pastorale. Le Concile Vatican II a affirmé que, d’une manière analogue aux antiques Églises patriarcales, les conférences épiscopales peuvent « contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement ».[36] Mais ce souhait ne s’est pas pleinement réalisé, parce que n’a pas encore été suffisamment explicité un statut des conférences épiscopales qui les conçoive comme sujet d’attributions concrètes, y compris une certaine autorité doctrinale authentique.[37] Une excessive centralisation, au lieu d’aider, complique la vie de l’Église et sa dynamique missionnaire.

33. La pastorale en terme missionnaire exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. J’invite chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés. Une identification des fins sans une adéquate recherche communautaire des moyens pour les atteindre est condamnée à se traduire en pure imagination. J’exhorte chacun à appliquer avec générosité et courage les orientations de ce document, sans interdictions ni peurs. L’important est de ne pas marcher seul, mais de toujours compter sur les frères et spécialement sur la conduite des évêques, dans un sage et réaliste discernement pastoral.